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Daphne CORREGAN

1954*-
Daphne CORREGAN

« Mon Dieu, délivrez-moi du modèle ! » (Diderot, Salon de 1765)

A l'origine du travail de Daphné Corregan, il y a toujours une piste sensible, esquissée soit par des dessins, soit par des photographies ou une conversation, qui sont comme des points d'ancrage possibles de la plastique céramique.

Les œuvres de Daphné Corregan ne sont pas des sculptures, elles ne se définissent pas par rapport à l'espace mais elles sont déjà de l'espace ; un espace que l'on étire, découpe, cloisonne ; un espace qui ne représente pas le monde mais l'idée que nous nous en faisons. Et d'où l'anecdote est exclue.

Ainsi ce qui est en jeu dans une pièce aussi importante (je ne parle pas de ses dimensions) comme "Divided Spaces" à laquelle se rattachent des pièces comme « House and Garden » ou « Spaces and Squares » dont ses "Espaces Préservés « de 1998 étaient déjà les prémisses, n'est rien d'autre que le pouvoir d'une pensée à faire exister une utopie plastique. Ainsi, que faisons-nous de nos vies ? Comment les compartimentons-nous ? Et pourquoi ? Servent-ils, ces cloisonnements, à nous protéger ? Et puis alors, de quoi avons-nous peur ? C'est dans ces questionnements les plus secrets où nos mythologies personnelles s'ébauchent que s'origine le travail plastique de Daphné Corregan.
Même lorsqu'il lui arrive de prendre une référence évidente, chasse gardée de la sculpture classique comme la représentation de la tête humaine, son travail nous renvoie moins à ce que nous connaissons intimement ou anatomiquement de la tête qu'à une interrogation sur l'objet-tête lui même ; nous renvoyant au double de la tête, une tête menacée, vidée, trouée, rendue à son désert.

C'est ainsi logiquement que ses dernières créations de « souffles » et de « nuages » sont à considérer dans cette perspective philosophique du modèle car ce que Daphné nous donne à voir ce sont des œuvres qui ne renvoient plus qu'à elles-mêmes, des opnis (objets plastiques non identifiés) qui brillent en lisière du monde des formes connues, constellations improbables, légères comme des nuages et comme eux bizarres et déroutantes. Daphné vient enrichir une fois de plus l'univers des formes par ces objets dont Lambercy disait qu'ils prennent la « mesure du monde ».

Michel Le Gentil

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